“El Banco”, le retour

Le lendemain, je reprends donc la route de bonne heure même si, cette fois, je m’accorde un peu plus de sommeil car je sais, au vu des prévisions météo, qu’il me sera impossible de photographier le lever de soleil.

J’arrive donc un peu plus tard, il fait déjà clair, mais comme prévu, le ciel est complètement bouché par d’énormes nuages. Le ciel menaçant m’incite à m’équiper cette fois en prévision de la pluie : pantalon de pluie, mes toutes nouvelles chaussures de marche (je vous rappelle que les autres ont fini dans une poubelle) , une veste imperméable et surtout de quoi protéger mon équipement. Cela consiste essentiellement en un sac plastique pour couvrir l’appareil en cas de forte pluie, et d’un chiffon micro-fibres pour protéger l’objectif et essuyer la lentille frontale régulièrement. Je déteste passer des heures à effacer les taches ainsi formées sur les photos ou, pire, se rendre compte une fois devant l’ordinateur que la photo est irrécupérable parce que les taches recouvrent des parties de l’image où l’on ne peut les effacer sans dégrader la photo. Cela m’est hélas arrivé trop souvent de devoir jeter des photos pour cette raison.

Je retourne en premier lieu, aux endroits que j’avais repéré la veille. La photographie de paysage est intimement liée aux conditions météo, donc le moindre changement peut modifier totalement une scène. Mais aujourd’hui, il n’y pas plus de houle que la veille, ce sera donc encore des poses longues. Visuellement, je préfère avoir une mer lisse sur mes photos plutôt que cet aspect “peau d’orange” qu’a la mer par temps calme. Il y aurait eu une houle plus importante, avec de belles vagues se fracassant sur les rochers, j’aurais choisi des vitesses plus élevées afin de rendre le côté puissant et tourmenté de l’océan. Ce sont des choix personnels. Les goûts et les couleurs, comme on dit… Et en parlant de couleurs, comme le temps s’y prête, ça sera surtout du noir et blanc car, sans soleil, les couleurs ne représentent que peu d’intérêt (encore une fois question de goût).

Je reprends donc le chemin de la veille, mais les photos prises n’ont plus cet effet “waouh!”. Je me concentre donc sur des détails du paysage et particulièrement sur les rochers d’une des pointes, “Los Costa Xuncos”, en essayant d’intégrer des premiers plans afin de créer cette profondeur qui manque trop souvent dans les photos.

Après avoir passé un long moment à regarder les nuages de pluie venir vers moi, en espérant qu’il se mette à pleuvoir au loin, je reprends le sentier en direction du fameux banc.

Vous devez vous demander pourquoi j’attendais qu’il pleuve. C’est un autre moyen de donner de la profondeur. La pluie atténue les contrastes, donc s’il pleut au loin, cela crée cet effet. Les peintres, et ce bien avant les photographes, ont compris que pour donner cet aspect tridimensionnel à une image en deux dimensions, il fallait atténuer les contrastes de l’arrière plan et renforcer ceux du premier plan. De nos jours, en photographie, vous pouvez certes créer cet effet par différents artifices numériques, mais c’est toujours mieux si vous pouvez le capter à la prise de vue. Comme dans la photo ci-dessous où je n’ai fait que renforcer ce phénomène.

J’arrive au banc et me pose quelques instants pour refaire des photos des points de vue. Jusque là, les averses que je voyais passer au loin ne m’avaient pas encore touchées, hormis quelques gouttes.

Mais la pluie redouble et cette fois, c’est un peu trop intense, même pour un breton ;o) De la petite bruine, on vient de passer à la grosse averse.

Je vois que le chemin se poursuit dans des bois de pins et d’eucalyptus le long la côte. Vu l’averse, cela semble la meilleure alternative même si je ne sais pas vraiment où il mène. Je m’engage dans le bois. Quel parfum! On se croirait dans une boîte de bonbons pour la gorge! Alain, le photographe de Toulouse rencontré à la plage des Cathédrales, m’avait parlé d’une pierre percée au pied d’une falaise dans ce secteur, alors pourquoi ne pas partir à sa recherche? Au pire, je ne la trouve pas et j’aurai fait une bonne balade; au mieux, je tombe dessus et je pourrai faire des photos.

Effectivement, au bout d’un ou deux kilomètres, je vois un panneau indiquant la direction de “la Peña Furada”. Il semble qu’en galicien, cette appellation désigne une pierre percée. Si vous regardez dans google maps, il y en a des dizaines le long de la côte de Galice. Donc ce n’est peut-être pas celle dont Alain m’a parlé, mais qu’importe. Alors je commence à descendre et je tombe sur la table de pique-nique. C’est peut-être le moment de faire une petite pause pour refaire le plein d’énergie car cela doit faire 4 heures que je crapahute : un petit casse-croûte, du thé chaud et sucré que j’ai pris soin d’emporter dans une bouteille “Thermos”, et quelques dattes feront l’affaire. C’est sans doute le déjeuner le plus humide que j’ai pris.

photo faite au téléphone

Heureusement, la pluie s’est calmée, et c’est sous une légère bruine que j’avale mon repas. Le ciel semble se dégager quelque peu. Du coup, je profite de cette petite pose pour refaire quelques photos au télé-objectif de “Los Costa Xuncos” et du cap Ortegal qui se trouve de l’autre côté de la ría.

Le chemin est large et bien tracé au début puis, au détour d’un lacet, il commence à se rétrécir. En fait, à chaque lacet celui-ci se réduit pour finir en un étroit sentier. Et là, alors que je suis quasiment arrivé sur la plage, une partie du sentier gît 2 ou 3 mètres en-dessous, sur la plage. Ce n’est qu’une toute petite portion de celui-ci, et un petit saut devrait pouvoir m’amener de l’autre côté. Seulement voilà, j’ai près de 10kg sur le dos, je suis totalement seu,l et une pensée me traverse l’esprit : “Si je me rate, je risque de rester un moment avant que quelqu’un ne me retrouve”. J’observe la zone sur laquelle je dois atterrir, et c’est essentiellement du gravier assez fin qui pourrait très bien rouler sous mes pieds. De plus, comme je vous l’ai dit, c’est assez étroit et, avec ce bout de sentier en moins, ça l’est encore plus. Je tergiverse pendant un moment, mais je n’ai pas vraiment envie de rebrousser chemin et la curiosité est plus forte. Je prends appui de l’autre côté avec mon trépied , pose une main sur la pente à ma droite et avance mon pied gauche au-dessus du vide pour reprendre finalement pied de l’autre côté. Bon en fait, ça paraissait plus difficile que ça ne l’était en réalité.

Je fais les derniers mètres sans difficulté et me retrouve rapidement sur le sable gris de cette petite plage. La mer est toute proche bien qu’elle soit bientôt au plus bas. Je n’ai pas beaucoup de temps pour me rendre aux formations rocheuses que j’ai repéré en descendant. Celles que l’on voit au bout de la table sur la photo du dessus. Mais pour ça, il me faut trouver un chemin à travers les rochers qui me barrent le passage. Si je ne trouve pas rapidement, je resterai de ce côté et au pire, je me contenterai de gros plans des roches. Elles sont vraiment intéressantes avec leurs strates de couleurs différentes qui forment des dessins abstraits. Elles ne finiront peut-être pas encadrées mais valent bien que je m’y attarde un peu.

Il s’avère que l’accès à l’autre partie de la plage est assez simple. Tout en restant sur le sable, je chemine entre d’énormes blocs de roches, un coup sur la droite, un coup sur la gauche, puis encore à droite et je suis sur l’autre partie de la plage. Les rochers qui avaient attirés mon attention sont à l’opposé, il me faut donc encore marcher sur une centaine de mètre sur le sable grossier essentiellement composé de coquillages brisés et de fragments de roches. Mais j’arrive enfin là où je voulais. Je prends un repère sur la plage pour surveiller la marée. Je n’ai pas beaucoup de temps pour chercher une composition, donc je m’arrête sur la première qui semble fonctionner et l’affine autant que possible dans le peu de temps à disposition.

En effet, la marée était dorénavant montante, et mon point de vue allait être recouvert dans le quart d’heure. De plus, le chemin du retour risquait d’être coupé par la mer à un moment ou à un autre.

Le repère que j’avais pris sur la plage était déjà entouré d’eau, il fallait donc ne pas perdre trop de temps sous peine de rester bloqué ici pour les six prochaines heures. Ca aurait sûrement été très intéressant mais ce n’était pas le projet et je n’avais pas l’équipement adéquat. Une combinaison de plongée aurait été plus adaptée, vu que la dernière marée avait laissé une trace à un mètre ou deux de la falaise et que les coefficients allaient croissants, donc pas de prise de risque inconsidérée, il valait mieux faire demi-tour.

L’ascension du retour était assez éreintante. Le ciel se dégageait et le soleil commençait à réchauffer l’atmosphère : la chaleur, une forte humidité, additionnées à l’effort, transforment rapidement vos vêtements de pluie en sauna individuel. C’est donc totalement trempé que je suis arrivé en haut de la falaise, j’étais plus que content en arrivant à ma voiture pour enfiler un T-shirt sec. J’étais rassasié de photos mais affamé car le petit sandwich que j’avais avalé plus tôt me semblait bien loin, et à entendre les sons produits par mon estomac, il était temps de reprendre la route vers Ribadeo après avoir mangé mes dernières dattes et bu ce qu’il me restait d’eau.

Le lendemain s’annonçait très pluvieux mais c’était mon dernier jour en Galice.

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“El banco más bonito del mundo”