Première tentative

Se lever à 5 ou 6h du matin ne me pose pas trop de problèmes parce qu’il s’agit plus ou moins des heures auxquelles je me réveille naturellement. Mais mettre mon réveil à 3h30, là ça pique vraiment ! Tout devient plus difficile et chaque tâche, même la plus élémentaire, me prend plus de temps. Pour vous dire, même le mode « automatique » du petit-déjeuner était en panne ce matin-là, alors s’il fallait réfléchir à ce que je devais prendre ou laisser dans ma chambre… C’est pourquoi j’avais pris soin de préparer mon sac la veille avant de me coucher. Bonne idée vous me direz. Bonne idée oui, mais mauvais timing car au moment où vous éteignez la lumière, vous vous dites : « Est-ce que j’ai pris mes gants ? » ou « Ai-je bien remis la frontale à sa place habituelle la dernière fois ? Je préférerais éviter la chercher dans le noir. » etc... Moi qui, en règle générale, n’ai pas trop de soucis pour m’endormir, je perds une heure à éteindre puis allumer la lumière et me lever pour aller vérifier et revérifier que tout est là et en place. Ce qui fait qu’au lieu des 5h30 de sommeil prévues, je ne dors que 4h30. Ce qui rend évidemment les choses encore plus difficiles au réveil.

J’arrive malgré tout sur mon parking avec vue vers 4h30 dans une obscurité quasi totale. Je dis quasi totale parce qu’en me rendant ici, je traverse un village dont tous les éclairages publiques sont allumés. Mais mon parking n’en possède pas, par chance. La Voie Lactée est bien là où elle était supposée être, mais les lumières du village m’empêchent de voir les montagnes. Je suis donc obligé de faire quelques photos tests avec les ISO au maximum pour composer l’image que j’ai en tête. Je savais que ce ne serait pas une photo facile à cause des contraintes techniques :

  1. la photo doit forcément se faire de nuit

  2. le pic se trouve à 12km de mon point de vue

Ce qui signifiait qu’il me fallait utiliser l’optique la plus lumineuse à ma disposition, soit mon 24-70mm f/2,8*, et que je ne pouvais pas descendre en-deça du 70mm, sinon le pic n’aurait représenté qu’une portion infime de l’image. Mais l’utilisation du 70mm implique de réduire le temps d’exposition parce que, plus la focale est longue, plus le mouvement des étoiles (je sais ! Ce ne sont pas les étoiles qui bougent mais la terre qui tourne) est perceptible, ce qui veut dire augmenter les ISO et de fait, perdre en qualité d’image à cause du bruit. Heureusement aujourd’hui, il existe des moyens logiciels de réduire l’impact du bruit sur les photos et donc d’améliorer la qualité de celles-ci. Ce ne sera pas la photo parfaite mais je peux trouver un compromis acceptable. Il restait encore une inconnue dans cette équation, une sur laquelle je n’avais aucune prise : la météo.

Mes premières photos tests m’ont révélées que là où le pic aurait dû se trouver, il n’y avait qu’une masse de nuages.

Fort heureusement, j’avais pris quelques repères l’avant-veille quant à la position du pic par rapport aux autres montagnes.

La Voie Lactée, elle, était bien visible, mais pas de Picu Urrelliu.

Les nuages n’étant pas statiques, il suffisait d’attendre. Ca allait forcément se dégager. El Naranjo finira bien par se montrer, ne serait-ce que quelques secondes.

Comme je ne suis pas en mesure de déclencher au moment décisif puisque je n’y vois rien, je programme une série de 30 photos sur le boîtier avec un intervalle de 10 secondes entre chaque photo. Entre chaque série, je vérifie s’il faut que je change un réglage ou pas.

Pendant que l’appareil travaille, je bois du thé chaud (j’ai quand même réussi à me préparer un thermos) et mes pensées vagabondent : « Au fait, je n’ai pas vérifié s’il y avait des animaux sauvages dans la région du type, lynx, ours ou loup ! ». Je suis là, tout seul sur ce parking au milieu de la nuit. C’est à peine si je vois mes pieds et maintenant, le moindre bruissement, le vent dans les branches me font sursauter. J’essaie de chasser ces pensées parasites pour me reconcentrer sur mon appareil photo.

Les minutes passent, et je ne vois pas d’amélioration dans les conditions. De plus, plus le temps passe et plus la Voie Lactée sort de mon cadre.

C’est en regardant le ciel la nuit qu’on se rend compte que la Terre tourne vraiment très vite (1600km/h). Il suffit de voir la photo à gauche, prise 15mn après celle plus haut.

En une heure, la Voie Lactée était sortie du cadre et les nuages s’obstinaient à masquer le pic. Je me pose évidemment la question d’aller finir ma nuit sous la couette mais je décide de rester pour profiter d’un lever de soleil.

Vers 6h30, les premières lueurs du jour commencent à chasser l’obscurité. Comme c’en est fini des photos avec la Voie Lactée et que la clarté va croissante, je sors le 100-400mm. Et là bien sûr, les nuages commencent à se dissiper et j’aperçois le sommet qui commence à apparaître au-dessus.

Quelques minutes plus tard, je commence à comprendre d’où lui vient son nom : El Naranjo, l’Orange

A 7h30, c’était fini. La lumière perdait déjà ses teintes rose-orangées et devenait trop dure. Une dernière photo,

et il était temps de rentrer pour un deuxième petit-déjeuner plus consistant que le thé et les dattes. Je n’avais peut-être pas eu ma photo de la Voie Lactée et avec le pic, mais quel lever de soleil !



*Sur les objectifs l’ouverture max. est mentionnée sous forme de rapport f(=focale)/n, donc plus le chiffre (n) est grand, plus l’ouverture max. est étroite et donc laisse passer moins de lumière. Il faut donc plus de temps pour que l’image soit enregistrée par le capteur/film

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